Grossesse

L’accouchement normal sous surveillance médicale

Le 9 septembre 2018 - 17 minutes de lecture

Comme on l’a compris, le respect d’une physiologie normale est le souci premier de la sage-femme ou de l’accoucheur. Ils sont conduits à une attitude de surveillance attentive par des examens répétés, veillant à ce que soit respecté ce mécanisme normal. Dans certains cas, même si tout se déroule normalement, ils choisissent ensemble de  » diriger  » l’accouchement, ce qui ne veut pas dire  » accélérer  » comme on le comprend souvent, et surtout ce qui ne doit pas aboutir à modifier une évolution satisfaisante.

La surveillance médicale du travail

Souvent décriée, notamment par les tenants de l’accouchement  » hyper naturel « , la surveillance médicale reste indispensable pour garantir la sécurité maximum de tous les accouchements, notamment tous les accouchements normaux.

L’examen obstétrical

La surveillance médicale est précédée d’un examen obstétrical complet. Cet examen tente d’établir les pronostics de l’accouchement. Ils sont parfois déjà connus: âge, nombre d’enfants, affections gynécologiques et histoire des accouchements précédents, déroulement de la grossesse, éléments biologiques, groupe sanguin avec facteur rhésus, sérologie rubéole, toxoplasmose, SIDA et syphilis, et résultats des examens urinaires. D’habitude, l’ensemble de ces examens est consigné dans le dossier obstétrical établi au cours de la grossesse.
L’examen initial précise l’existence d’une présentation conforme, la bonne vitalité du fœtus, les caractéristiques du bassin, du col utérin, de l’accommodation ou de l’engagement de la présentation du fœtus.
Les constantes générales, le pouls, la tension artérielle, la température et l’examen des urines, complètent cet examen obstétrical.
Le travail et l’accouchement ont toutes les chances de se dérouler normalement et favorablement chez une femme qui n’a pas eu d’enfant dont le bassin est normal, la tête engagée, ou chez une femme qui a eu plusieurs enfants de poids normaux.
Plus réservé serait le pronostic si le volume utérin est excessif, si la tête se présente de façon haute et mobile chez une femme qui n’a pas eu d’enfant, s’il s’agit d’un siège, éléments qui doivent faire rechercher une petite anomalie du bassin jusque là inaperçue.

Accouchement normal :  début du travail

Il est souvent facile à reconnaître devant l’expulsion du  » bouchon muqueux  » et l’apparition de contractions utérines douloureuses régulières dont la fréquence et /’intensité augmentent. Chez la femme qui n’a pas eu d’enfant, le début du travail peut être flou et précédé de douleurs dorsales, de contractions utérines mal rythmées, à intervalles irréguliers. Le bouchon muqueux peut être lui-même expulsé plusieurs heures avant le véritable début du travail.

L’examen obstétrical est donc capital pour percevoir par le toucher, les modifications objectives qui témoignent de la réalité et de l’efficacité des contractions, par ailleurs perçues à la palpation de l’abdomen.
D’autres fois, c’est la rupture précoce de la poche des eaux qui, par la perte d’un liquide transparent, inaugure le travail avant la survenue des contractions, que ce
soit plusieurs heures ou quelques heures avant ce délai.
Il faut surtout éliminer les douleurs de ce que l’on appelle le  » faux travail « . Si le début du travail est confirmé, la jeune femme est gardée en observation à la clinique ou à l’hôpital; il convient d’éviter toute absorption alimentaire ou liquidienne, du fait d’une anesthésie qui doit dès lors être possible à tout moment.

La surveillance au long du travail

Une fois le processus déclenché, il convient d’apprécier, tout au long du travail, les conditions dynamiques suivant lesquelles il se déroule. Il faut d’une part, apprécier la qualité et l’efficacité de la contraction utérine, son effet sur la dilatation du col, et d’autre part, l’adaptation de la présentation (tête ou siège), ainsi que sa progression à travers les différents étages du bassin. Ceci se fait par des examens cliniques répétés de la sage-femme ou de l’accoucheur, et par l’enregistrement de ces paramètres sur le  » monitoring obstétrical « , appareil de surveillance électronique qui permet d’enregistrer en permanence la contraction utérine et l’activité cardiaque du fœtus, permettant de faire le point à tout moment.
L’appréciation de la contraction utérine et de son efficacité sur le col par les progrès de la dilatation pose des problèmes identiques pour toutes les présentations, mais il n’en est pas de même pour l’autre élément de la surveillance: chaque présentation (tête ou siège) a en effet son mécanisme spécifique de franchissement du bassin et l’évolution, selon les cas, sera différente.

Les contractions utérines

Le monitoring en démontre la qualité. Brèves et espacées au début, elles se font de plus en plus intenses et rapprochées pour durer 40 à 60 secondes toutes les 3 à 4 minutes quand le  » travail  » se poursuit favorablement. L’utérus doit rester bien souple entre deux contractions.

Les modifications du col et du  » segment inférieur « 

La souplesse du col est une nécessité essentielle appréciée par le toucher vaginal. La progression régulière de sa dilatation et de son effacement doit être observée. La durée globale de la dilatation est variable, 6 à 12 heures chez la femme qui n’a pas eu d’enfants, 3 à 6 heures chez celle qui en a déjà eu.

L’état de la poche des eaux

La poche des eaux qui coiffe la présentation est habituellement plate. Elle bombe cependant sous la pression de chaque contraction ce qui, on l’a vu, favorise la dilatation. Si au contraire elle est épaisse et fortement bombante, elle constitue un élément de pronostic réservé. La rupture de cette poche des eaux peut survenir spontanément très tard, presque à dilatation complète, mais elle peut aussi se rompre précocement. Elle est habituellement rompue artificiellement par la sage-femme (ce qui est parfaitement indolore) à mi parcours de la dilatation, de façon à favoriser l’évolution ultérieure de l’accouchement.

L’évolution de la présentation

C’est le palper et le toucher qui la précise. L’engagement de la présentation est précédé de son orientation dans l’un des diamètres du bassin et de son amoindrissement par la flexion si c’est une présentation de la tête.
Le degré de flexion et d’orientation de la présentation est apprécié par la position des fontanelles qui séparent les os du crâne du fœtus, par rapport au centre du bassin de la mère.
L’engagement de la présentation est une notion d’importance capitale notamment en présentation de la tête. Il prouve la perméabilité du bassin et sa constatation permet de supposer que l’accouchement se terminera par les voies naturelles. Son diagnostic est donc important, réalisé essentiellement par le toucher vaginal.

L’état général de la maman

Cette femme ne doit pas être abandonnée à son angoisse et à sa douleur. On veille à son confort, on calme son anxiété, on évalue l’intensité de ses douleurs.
L’ensemble de ces renseignements est en général schématisé sur un diagramme utilisé dans presque toutes les maternités selon des formes très similaires . Ce diagramme schématise l’évolution des contractions, de la dilatation du col, de la présentation, de la poche des eaux et de l’état général de la patiente (tension artérielle, température), heure par heure par des annotations simplifiées, qui en permettent une vision synthétique rapide pour la sage-femme et pour l’accoucheur.

Les actions médicales au cours d’un accouchement normal

Pendant très longtemps, la théorie essentielle était le respect absolu d’une physiologie spontanée et sans aucune action d’aucune sorte. De nos jours, à la fois par une meilleure connaissance de la physiologie du travail, et aussi dans l’optique d’une diminution de la mortalité et des séquelles de l’accouchement, le travail est  » dirigé « , non pas systématiquement, mais lorsqu’une anomalie apparaît.
Lorsqu’aucune anomalie n’apparaît ni dans la progression des phénomènes mécaniques et dynamiques, ni dans la perception douloureuse, l’abstention reste la meilleure solution. En revanche si apparaît une anomalie, une action correctrice est tout à fait légitime.

Les anomalies possibles

Anomalie de la durée du travail

la prolongation excessive du travail est considérée comme un facteur aggravant de l’état de santé et du risque de mort du fœtus.

Anomalie du fonctionnement de l’utérus:

soit contractions utérines insuffisantes (souvent chez les femmes ayant eu de très nombreux enfants ou en cas de rupture précoce ou prématurée des membranes).
soit contractions utérines trop fréquentes ou trop intenses qui peuvent s’expliquer par un obstacle méconnu.
C’est le monitoring qui, dans ces cas là, donne les meilleurs renseignements.

Les médicaments et les manœuvres utilisés au cours du travail

La rupture artificielle des membranes, on l’a vu, est nécessaire lorsque la poche des eaux appuie mal sur le col et empêche la bonne application de la présentation au niveau du col. Elle n’est permise qu’à partir d’une dilatation de 4 à 5 cm. C’est un acte qui doit être mûrement réfléchi.

 Les médicaments

Les médicaments utilisés au cours du travail sont en fait peu nombreux: le principal est le Syntocinon, reproduisant une hormone de la partie supérieure de l’hypophyse qui régularise et renforce les contractions utérines. Il est utilisé par voie intraveineuse, dilué dans une perfusion, afin d’en contrôler en permanence l’administration tout au long de l’évolution de l’accouchement.
Les antispasmodiques (Spasfon~, Buscopan) sont souvent utilisés pour faciliter l’assouplissement d’un col au cours du travail.
Ce sont les médicaments anti douleurs qui sont nécessaires dans un certain nombre de cas.

 Le problème de la douleur

Il était habituel de considérer la douleur comme étant une nécessité absolue, à la limite du rite initiatique dans un accouchement (le  » mal joli « ,  » tu enfanteras dans la douleur « , etc.).
On sait mieux apprécier de nos jours à quel point la douleur est parfois nocive, et aussi à quel point il existe des variabilités d’une femme à l’autre dans l’intensité des douleurs perçues pour un accouchement identique. Certaines particularités d’accouchement ou de présentation sont notoirement douloureuses: les présentations  » postérieures  » quand la nuque du fœtus est orientée vers l’arrière du bassin maternel (C’est le fameux  » accouchement par les reins  » du langage populaire).
En soi, la douleur, surtout au long cours ainsi qu’elle est perçue au cours d’un accouchement de plusieurs heures, peut entraîner une agitation, un stress permanent générateur de consommation excessive d’oxygène, ce qui diminue l’oxygène disponible pour la contraction utérine elle-même, et entraîne une asphyxie relative du fœtus.
L’évolution du travail peut ainsi aboutir à une césarienne nécessaire du simple fait d’une douleur excessive qui dure. On conçoit la nécessité de lutter contre la douleur indépendamment de toutes notions de confort.
L’analgésie péridurale est certainement la meilleure des solutions. Elle supprime toute douleur perçue, sans contrarier l’évolution de la contraction utérine, et sans
effet secondaire néfaste sur le fœtus. Elle n’est pas applicable dans toutes les situations, mais ses contre-indications sont très rares. Elle nécessite la présence simultanée de l’obstétricien, de la sage-femme et de l’anesthésiste sur les lieux de l’accouchement, ce qui n’est pas réalisable dans toutes les situations.
Mais l’analgésie obstétricale peut être obtenue en dehors de l’analgésie péridurale. Le plus efficace des produits est le  » Dolosal~ « , qui est un dérivé de la morphine. Mais tous les analgésiques administrés par voie veineuse à la mère peuvent interférer avec le bien-être de l’enfant, et surtout avec l’établissement de sa première respiration à la naissance. Ils sont utilisés essentiellement en première partie de travail pour prendre le temps de leur élimination avant la naissance proprement dite, et avec circonspection.
Enfin des analgésiques gazeux respirés au masque, mélange d’oxygène et de protoxyde d’azote peuvent être utilisés également.

La souffrance foetale

Au long du travail, le fœtus peut donner des signes de souffrance, traduisant sa mauvaise tolérance du travail en cours. La couleur du liquide amniotique émis est particulièrement important, se transformant, en cas de souffrance, par l’émission des selles fœtales connues sous le nom de méconium, qui colorent le liquide amniotique en brun alors qu’il est normalement clair.
Le monitoring montre des modifications caractéristiques de la fréquence cardiaque du fœtus en cas de souffrance. Ces modifications se traduisent habituellement sur le tracé par des ralentissements, qui sont contemporains ou non de la contraction utérine.
Ce sont des signes d’alarme, qui, s’ils sont associés ou s’ils durent au delà d’un certain nombre de contractions, imposent une extraction rapide de l’enfant, qui selon l’évolution du travail peut se faire soit par césarienne si l’évolution n’est pas suffisamment avancée, soit par une extraction instrumentale (forceps) si la dilatation est complète et la présentation déjà engagée.
En attendant cette décision, des petits moyens sont souvent utiles a rétablir une situation :

Changement de position de la mère,

  • oxygène délivré au masque à la mère, qui le transmet à son enfant,
  • diminution de l’activité utérine par arrêt des médications en cours, éventuellement responsables d’une activité trop importante.

La phase d’expulsion

C’est le dernier temps de l’accouchement, durant lequel la surveillance est encore plus attentive, et où la participation de la sage-femme et de l’accoucheur devient plus active. C’est aussi le moment où la femme doit participer activement à son accouchement par des efforts de poussées abdominales.
A ce stade, la conduite nécessite trois impératifs:
surveillance: la présentation est directement accessible au doigt au niveau de la vulve et l’on peut s’assurer aisément de sa situation, de sa rotation et de son orientation.
direction des efforts expulsifs de la Patiente: il faut aider les efforts expulsifs en les dirigeant et les encourageant de la voix et du geste de façon à obtenir le maximum d’efficacité. Ces gestes d’efforts expulsifs ne sont pas si naturels qu’on pourrait le croire, et toute femme peut tirer bénéfice d’un apprentissage préalable par la préparation psychoprophylactique. Il est en effet nécessaire d’obtenir un maximum d’effort au moment de la contraction, et au contraire entre chaque contraction un maximum de relâchement et de détente pour contribuer à la bonne oxygénation de l’enfant. Au moment de l’expulsion proprement dite, lorsque la tête ou la présentation du siège distend le périnée, il convient que l’accoucheur et la sage-femme pratiquent les manœuvres nécessaires, dégageant la tête, en les conduisant avec précaution, surveillant attentivement cette distension du périnée pour éviter toute déchirure à ce niveau en s’aidant si besoin, et si nécessaire seulement, d’une épisiotomie, c’est a dire d’une section franche mais contrôlée de ce périnée (Figure 4 et 5). d Elle est habituellement indolore, du fait des la compression des tissus du périnée par la tête fœtale, qui anesthésie les terminaisons nerveuses, a fortiori s’il y a analgésie péridurale.

La délivrance

La délivrance est l’expulsion après le fœtus lu placenta et des annexes du fœtus, Membranes et cordon ombilical, qui est sectionné entre deux pinces, dès la sortie de l’enfant (ce qui n’occasionne aucune douleur, ni pour la mère, ni pour l’enfant).
Il est habituel de respecter le mécanisme physiologique, et de s’abstenir de toutes manœuvres intempestives. Les contractions reprennent habituellement après quelques minutes (15 à 20 minutes), pendant lesquelles la surveillance de l’accouchée doit être rigoureuse du fait d’une hémorragie excessive pouvant survenir à ce moment.
Dès que les signes du décollement du placenta sont reconnus par la sage-femme ou l’accoucheur, la délivrance est extraite par une intervention simple qui consiste à appuyer sur le fond de l’utérus. Il s’agit d’une  » délivrance naturelle « .
Dans un certain nombre de cas, la délivrance tarde à se produire spontanément après l’accouchement, ou l’hémorragie est excessive mettant en péril la tension artérielle de la mère, et il est nécessaire alors de procéder à une délivrance artificielle.
La main de l’accoucheur, ou de la sage-femme est introduite à l’intérieur de la cavité utérine, en renforçant l’analgésie péridurale si elle existe, ou sous anesthésie générale de courte durée dans le cas contraire.
Après l’accouchement, il est de bonne pratique de continuer la surveillance de la maman en salle de naissance pendant au moins deux heures, afin de dépister une anomalie hémorragie essentiellement qui peut encore se manifester dans ce délai, et nécessiter une intervention de l’équipe.
Par sécurité, pendant cette période, la perfusion intraveineuse est maintenue, et il est déconseillé à la mère de boire et manger pour minimiser les risques d’une anesthésie générale, si celle-ci s’avérait nécessaire.
L’enfant a été soigné dès sa naissance par la sage-femme, qui lui prodigue les soins de son cordon ombilical, réalise l’aspiration des mucosités qui peuvent encombrer ses voies respiratoires, et les soins d’asepsie de ses yeux pour prévenir toute infection. Un examen systématique teste sa bonne vitalité, et vérifie tous ses orifices, jusqu’à l’estomac: il s’agit de dépister rapidement une anomalie imposant une action médicale rapide, et l’intervention du pédiatre.
L’enfant est mesuré, pesé, et baigné, souvent avec participation du père, s’il le désire. Ensuite, il est habituellement placé tout nu dans une couveuse près de sa mère, la couveuse n’étant qu’un  » vêtement  » de verre qui maintient sa température à 37°, et permet sa surveillance facile.
Il ne s’agit en aucun cas d’une volonté de le séparer de ses parents, mais d’assurer sa sécurité dans ces deux premières heures. Il est possible et souhaitable de favoriser dès ces instants les contacts entre mère et enfant notamment pour entreprendre la première tétée, si la mère désire allaiter.